Un Témoin en Guyane, écrivain - le blog officiel

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LA MULÂTRESSE SOLITUDE

06/12/2013

André Schwarz-Bart

 

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Elle n'était ni noire ni blanche, et même ses deux yeux étaient de nuance différente. Enfant, on la surnommait "Deux-Âmes". C'est finalement sous le nom de Solitude qu'elle vécut à la Guadeloupe, à la fin du XVIII° siècle, dans les familles de Blancs qui l'avaient achetée, puis parmi les Noirs en révolte, réfugiés dans les forêts de la Soufrière, lors du rétablissement de l'esclavage par Napoléon Bonaparte, quelques années à peine après la première abolition.

 

L'auteur du Dernier des Justes retrace ici le destin tragique d'une femme de légende, d'une combattante exemplaire, et d'un personnage réel ; car la "mulâtresse Solitude" fait bel et bien partie de l'histoire des Antilles.

 

 

 

L'horreur, tel est le mot qui qualifie le mieux la barbarie dont sont victimes les Diolas au cours de leur capture ; tel est aussi ce que Schwarz-Bart tente de dépeindre via l'enchevêtrement de l'imaginaire oppressé et de la réalité coloniale. Au fur et à mesure du déroulement des événements, « le rêve se brouillait et prenait apparence de réel » nous indique d'ailleurs l'auteur-narrateur. Cette remarque prouve à elle seule l'intention de ce dernier de rompre le fil narratif en métissant le monde réel et le monde onirique. De cette façon, Schwarz-Bart entre en interaction avec le lecteur qui doit une nouvelle fois, par ses propres moyens, imaginer l?inimaginable.

Il paraît donc naturel que la représentation littéraire d'un tel bouleversement de l'ordre des choses, et de ces êtres devenus soudainement possessions par l'acte colonial, entraîne le renversement ponctuel de la chronologie narrative de La Mulâtresse Solitude. L?analepse, en tant que procédé rétrospectif, constitue en conséquence un moyen parfaitement adapté à la création de cet effet escompté.

Pour prolonger et renforcer ce dernier, André Schwarz-Bart n'hésite d'ailleurs pas à utiliser le corollaire de l'analepse, à savoir la prolepse. L'épilogue de l'œuvre correspond en effet à une projection narrative dans l?avenir, et de ce fait, permet la fusion des temps passé, présent et futur. L'écrivain imagine ici l'errance d'un touriste sur les lieux de l'ultime combat des marrons contre les troupes républicaines, bataille sanglante racontée peu avant le dénouement du roman. Il confie ainsi au lecteur sa fantasmagorie :

« Si l'étranger insiste, on l'autorisera à visiter les restes de l'ancienne Habitation Danglemont. [...] Ressentant un léger goût de cendre, l'étranger fera quelques pas au hasard, tracera des cercles de plus en plus grands autour du lieu de l'Habitation. [...] Alors, s'il tient à saluer une mémoire, il emplira l'espace environnant de son imagination ; et, si le sort lui est favorable, toutes sortes de figures humaines se dresseront autour de lui [...] ».

Commentaire "emprunté" à Marine Piriou, La Plume Francophone

 

André Schwarz-Bart, La Mulâtresse Solitude, 1972

159 pages, éd. POINTS, 1996

ISBN: 9782020301084

 



06/12/2013
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