Un Témoin en Guyane, écrivain - le blog officiel

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PENDANT LES FÊTES L'ORPAILLAGE CONTINUE...

02/01/2014

Rapport de la campagne de prélèvements de novembre 2013

dans le bassin du Haut-Maroni par Solidarité Guyane (ASG)

Source : Solidarité Guyane

 

Depuis 2004, ASG effectue des prélèvements dans les villages Wayana et Teko du Haut-Maroni afin de déterminer le niveau d'intoxication par le mercure (Hg) et le méthyl-mercure (MeHg) des populations locales.

Ces prélèvements sont traités par les scientifiques du National Institute for Minamata Disease (NIMD), situé dans la ville de Minamata au Japon.

Depuis plusieurs campagnes nous privilégions le village de Cayodé car, étant un village enclavé (sur la rivière Tampok), les zones de survivance (bassin du Tampok et de la Waki) de ses habitants sont uniquement en Guyane donc de la responsabilité totale de l'Etat français (contrairement aux autres villages, Antecume, Twenké, Taluen et Pidima qui sont des villages frontaliers) et situé en aval des secteurs du Haut-Maroni les plus touchés par l'orpaillage illégal.

7N'oublions pas que l'orpaillage illégal trouve son origine dans la dérive d'un orpaillage qui se voulait légal sous la responsabilité de Guyanais avec des intérêts et l'incitation de fournisseurs guyanais (équipements et mercure).

Les prélèvements sont effectués sur la base du volontariat auprès de familles parfaitement connues par ASG et les résultats des analyses leurs sont communiqués de façon individuelle et commentée.

 

Commentaires sur les dernières analyses :

Le taux moyen de tous les prélèvements est, pour le village de Cayodé, de 10,57 µg/g de cheveu, soit au-dessus du seuil OMS (fixé à 10 µg pour un adulte de 60 kg). Le taux le plus élevé est de 32,47 µg et si l'on retire les 2 taux extrêmes le taux moyen est de 10,11 µg. Mais la restitution statistique des résultats ne reflète pas la réalité de la situation : une aggravation du niveau de pollution des ressources vitales des villageois et de leur raréfaction.

Les résultats ont été classés en 3 groupes : les bébés de 1 mois à moins de 1 an, les enfants de 1 à 12 ans et les adultes (plus de 18 ans).

Le groupe des bébés fait apparaître deux sous-groupes de niveau de mercure : les bébés dont les mamans ont moins de 25 ans et celles ayant plus de 25 ans. Dans le groupe des moins de 25 ans les bébés ont des taux inférieurs à 5 alors qu'ils sont > à 10 pour les plus de 25 ans. La corrélation est très forte entre le niveau de mercure du bébé et celui de sa maman (le mercure étant véhiculé par le lait maternel). Les mamans des bébés au-dessus de 10µg ont respectivement des taux de 18,19 µg et 11,92 µg. Il est aussi à préciser que les mamans de moins de 25 ans ont une activité salariée et de ce fait ont les moyens financiers de varier leur alimentation et d'éviter de consommer des poissons carnassiers tels qu'aïmara, piraye, hululi, mitala... (principaux vecteur de contamination).

Dans le groupe des enfants (1 à 12 ans), 12 enfants sur 15 ont des taux supérieurs à 6,5 µg soit 80% d'entre eux, sachant qu'au-delà de ce taux des séquelles peuvent être identifiables et 5 parmi eux sont au-dessus de 10 µg. Et tout cela malgré les efforts des parents de protéger leurs enfants en variant dans la mesure de leur possible leur alimentation.

MERCURE.jpgLe groupe des adultes est davantage représentatif du niveau de pollution car leur taux moyen est de 14,49 µg (alors que jusqu'en 2008 cette moyenne était autour de 12 µg à Cayodé). En retirant les 2 extrêmes ce taux moyen est encore de 13,55 µg. Cet accroissement de taux est la résultante de l'augmentation de l'orpaillage illégal.

Le gibier a pratiquement disparu (décimé par des chasseurs « professionnels » chargés d'approvisionner les sites clandestins) et les rivières sont tellement polluées que la reproduction de la faune piscicole est de plus en plus difficile et les poissons pouvant être pêchés sont très majoritairement des poissons carnivores, lesquels sont les plus toxiques en mercure.

En conclusion, il apparait que ces populations sont en risque majeur et que les enfants sont les plus touchés. Bon nombre d'entre eux auront leur développement (physique et cognitif) irrémédiablement altéré et par là même leur devenir est compromis. L'égalité des chances prônée par nos élus n'est pas pour eux. Car il faut rappeler qu'il est communément admis par la communauté scientifique que dès un niveau de mercure de 6 µg/g de cheveu pour une femme enceinte, le fœtus court le risque d'altérations de son développement physique et mental. À partir d'un taux de 11 µg chez la mère il est prouvé que 10% des enfants présenteront des altérations irréversibles de leur système nerveux et un potentiel individuel diminué (fonctions motrices et cognitives). L'enfant intoxiqué dans les mêmes proportions court les mêmes risques jusqu'à l'âge de 7 voire 10 ans (ainsi que la modification du rythme cardiaque et de la tension).

Cependant si les amérindiens réduisent leur consommation de poisson ils doivent trouver d'autres sources de protéines, sélénium, vitamines E et omega3, sinon ils s'exposent à des maladies cardiovasculaires (accentuées par le méthylmercure) ou d'autres maladies issues de déséquilibres alimentaires (tel que diabète, cancer...), sans parler des carences impactant le développement des enfants.

Enfin les chiffres rapportés concernent le village de Cayodé mais les niveaux de mercure doivent être tout aussi élevés dans les autres villages du Litani (partie amont du Maroni) et plus particulièrement les villages d'Antecume et de Pidima.

 

Pour rappel, le seuil de risque fixé par l'EFSA (European Food Safety Authority) est de 4,4 µg/g de cheveu et aux USA ce seuil est fixé à 2,5 µg.

Décembre 2013

 

wayana-copie-1.jpg

Photo Okamag

 



02/01/2014
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